Pour en finir avec le syndrome du 21 avril

Publié le par Jean-Philippe ALQUIER

En France, il n'est guère étonnant que le Front National maintienne sa popularité car les pratiques politiques actuelles continue à crédibiliser ses thèses:

  • Un trop grand nombre d'élus continuent à entretenir des relations paternalistes avec leurs électeurs tandis qu'au sein des entreprises, chaque acteur est de plus en plus responsabilisé

  • La concertation: tout le monde en parle sans la pratiquer vraiment.

  • Le nationalisme économique prompt à réagir quand une entreprise étrangère délocalise son activité et silencieux lorsqu'un fleuron du CAC 40 en fait de même à l'étranger

  • Bon nombre des mesures sécuritaires de son programme sont mises en oeuvre par l'actuel gouvernement

  • La fracture sociale est loin de s'être réduite...

A Colombes, en particulier, les mêmes travers sont observés et risquent de produire les mêmes effets: Madame le Maire délègue fort peu, ne concerte que de façon contrainte, reste fermée à la coopération intercommunale, priorise les options les plus sécuritaires et l'amélioration de la qualité de vie dans les quartiers les plus favorisés.

Mais une raison plus profonde me semble justifier le maintien de l'attrait du Front National pour une bonne partie de nos concitoyens. Tout au long de leur histoire, les français ont eu recours à des hommes providentiels. Sous l'ancien régime un simple contact avec le roi devait suffire à guérir de tous ses maux. Après le bonapartisme, les deux incarnations les plus récentes de ce mythe de l'homme providentiel, furent Pétain et De Gaulle. L'un a rassemblé dans l'expiation de la défaite, l'autre a fédéré par la célébration d'une France ressuscitée et conquérante.

Ce mythe entretient l'attentisme démesurée des citoyens envers leurs représentants. Les politiques eux-mêmes continuent à entretenir ce mythe de toute puissance alors que leur marge de manoeuvre est de plus en plus contrainte. Les échanges et les interactions ne connaissent quasiment plus de frontières, les normes juridiques se décident de plus en plus à l'échelon international... Pour l'avoir négligé en 1981 avec sa relance économique isolée, le gouvernement Mauroy, a bien vite été obligé de faire machine arrière.

A rebours de ce mythe nostalgique, les politiques doivent veiller à au moins à préserver - si ce n'est à la développer - l'attractivité de leurs circonscriptions, pour continuer à disposer des moyens nécessaires pour répondre aux attentes de leurs concitoyens. Dans ce contexte, il est urgent de rompre avec des relations paternalistes où l'attentisme réciproque des citoyens et de leurs représentants est condamné à l'échec. Chacun doit se reconnaître dans des dynamiques fédératrices qui mobiliseraient jusqu'au citoyens les plus modestes. Une des voies pourrait être de proposer un nouveau contrat social qui garantirait à vie à chacun des garanties à vie répondant à ses besoins fondamentaux (un toit, une formation performante, un accès aux soins...) en échange d'une implication continue dans la vie sociale à travers un emploi, une activité associative ou politique... Les politiques sont ainsi conduits à quitter leur rôle de simples représentants pour devenir des animateurs et des coordinateurs de l'ensemble des potentialités de leurs circonscriptions.

Localement, à Colombes en particulier, un contrat municipal entre les habitants et leurs représentants pourrait de même tracer le cadre entre les services publics que la commune devrait assurer uniformément sur l'ensemble de le commune et les domaines où la participation active des citoyens est requise. Utopie solidaire? Je répondrai qu'aucun quartier de notre Ville ne peut raisonnablement bien vivre à long terme s'il ne se préoccupe pas du sort des quartiers périphériques délaissés. Là encore, les révoltes cycliques des banlieues auraient dû accélérer la réflexion.

Il n'en reste pas moins que ces projets devront s'incarner dans des hommes et des femmes de conviction et de charisme, cohérents dans leur propos et leurs actions, soucieux avant tout de l'intérêt général.

Publié dans Démocratie locale

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O
Je voulais ajouter un mot sur l'idée de Jean-Philippe de fournir à chacun des garanties à vie sur ses besoins fondamentaux à travers l'institution d'un "nouveau contrat social". Tout cela me paraît frappé du sceau de la plus grande utopie. Nous assistons aujourd'hui à la faillite de l'Etat-Providence, incapable d'assumer la gestion de toutes les rentes de situation qu'il a distribuées ici et là au fil du temps. Des garanties transformant chaque citoyen en un créancier exigent... En vérité, de pures illusions ! Je pense que ton "nouveau contrat social" ne pourra jamais apporter les mêmes services que le marché et que les politiques ne pourront jamais remplacer les entrepreneurs pour l'animation de la création de richesses.<br /> En revanche, j'aime assez l'idée du "contrat municipal", sorte de charte sur l'implication des habitants dans l'organisation et le fonctionnement de leur collectivité. Une bonne idée à creuser !
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J
L'Etat providence donne de bons résultats dans les pays scandinaves... Je sais que cela dérange le libéral utopique que tu es!Je ne suis pas certain pour autant que c'est un modèle entièrement transposable en France; mais mon utopie de responsabilisation réciproque n'est-elle pas préférable à la recherche actuelle d'un "Sauveur" ou d'une "Madone"?Question subsidiaire: te reconnais-tu dans le portrait politique que je brosse en conclusion?
O
1°) Expliciter les causes de la montée du "phénomène Le Pen", c'est le décrire et le définir. Ce qui signifie qu'en traitant chacune de ces causes (impuissance des pouvoirs publics, confiscation du débat et instrumentalisation du FN), ledit phénomène disparaîtra aussi rapidement qu'il est né. Ceci étant dit, vous avez raison de dire que le "phénomène Le Pen" est permanent et non intermittent. On pourrait même estimer que plus le pays va mal, mieux Le Pen se porte ; la cote "Le Pen" est une sorte de baromètre de l'état de santé du pays.<br /> 2°) Je conteste votre développement sur la "lepénisation des esprits", visant à dénoncer la prétendue "grande complaisance de la droite gouvernementale" sur ce point. L'idée-clé du discours de Le Pen est que l'immigration est la cause de tous les maux du pays. Pour résumer "Immigration = insécurité, chômage, déficits, terrorisme, etc." La Droite gouvernementale n'a jamais ni de près ni de loin appuyé cette idée, bien au contraire. Et, de fait, elle a toujours refusé toute alliance électorale avec le FN. <br /> 3°) Refuser les idées extrêmistes du FN ne signifie pas pour autant lui laisser le champ libre sur les thèmes et même sur les mots. S'il y a un problème d'insécurité, il faut le traiter. De même pour le chômage, la précarité. De même qu'il n'est pas inepte d'avoir une politique de l'immigration. Les esprits de droite ne sont pas lepénisés par le seul fait qu'ils se préoccupent aussi de thèmes que Le Pen a cru devoir considérer à sa manière. Le paroxysme du spectre de la "lepénisation des esprits" fut atteint lorsque l'emploi de certains termes fut frappé d'interdit par le seul fait qu'ils avaient un jour été employés par Le Pen : ainsi le mot "détail" fut longtemps un gros mot parce que Le Pen l'avait utilisé pour mettre en doute la réalité des fours crématoires dans les camps nazis ; et puis ce fut la même chose avec "patrie". Que Le Pen déclarât qu'il fallait baisser les impôts, toute personne émettant la même idée se trouvait ipso facto "lepénisé" et voué aux gémonies. Encore une fois, la Gauche a longtemps instrumentalisé Le Pen pour tenter d'oblitérer les idées de la Droite sous le seuol prétexte que Le Pen les lui avait emprunté.<br /> 4°) Pour terminer sur la montée du "phénomène Le Pen", je pense qu'il n'est qu'une manifestation parmi d'autres de l'état de santé du pays. La victoire du non au référendum, les émeutes des banlieues et celles plus récentes liées à la crise du CPE sont d'autres symptômes. Et je crains fort que le baromètre "Le Pen" monte dans les mois qui viennent.<br /> 5°) Enfin, pour conclure, Le Pen n'est qu'une variante de la montée des extrêmes. Il y a aussi une montée de l'extrême-gauche qu'il serait dangereux d'éluder. Jamais les Laguiller et les Besancenot n'ont fait autant de voix ni autant d'audience. La victoire du non du 29 mai 2005, c'était une sorte de victoire des extrêmes ! Il est d'ailleurs assez cocasse d'observer certains leaders de la gauche et de l'extrême gauche se prévaloir de la victoire du non, alors que celle-ci aurait été impossible sans l'appoint non négligeable des voix de l'électorat de... Le Pen ! On a vu lors des émeutes étudiantes l'extrême gauche dans ses meilleures oeuvres : destructions, blocages, bidonnages, manipulations, intoxications, ultraviolence. Et quant au fond des discours, toujours les mêmes disques et les mêmes idées éculées depuis plus d'un siècle ! Et le plus inquiétant est que de nombreux élus socialistes courent après leur extrême gauche et font leur miel de ses idées archaïques et régressives. La Droite a toujours su rester très ferme à l'égard de Le Pen. Ce n'est malheureusement pas de la Gauche avec l'extrême-gauche. Il y a là un vrai danger pour la République !
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J
Olivier, quelques réserves1/ il est inexact de dire que la droite Française n'a jamais fais alliance avec le FN. Les cogestions de la région Rhônes-Alpes et de la Ville de Dreux, même si elles restent deux exceptions, démentent la généralité de ton propos. La politique d'immigration de l'actuel gouvernement reprend très largement, mêmes atténuées, les thèses du FN.2/ Il n'y a heureusement pas que la Gauche qui se soit indignée des dérapages de propagande du dirigeant du FN.3/ Tous les extrêmes partagent la volonté de renverser la République: ce n'est pas une découverte!
T
Cela nous fait au total six raisons : manque de concertation des politiques, complaisance de la droite, manie du recours illusoire à des hommes providentiels, impuissance apparente des pouvoirs publics, absence de débat (cohabitation), instrumentalisation incohérente de Le Pen, cette fois par la gauche…pourquoi pas ?<br /> <br /> Mais j’ai envie de revenir sur le constat : c’est quoi « le phénomène Le Pen » ?<br /> Je crois qu’il est tant de ne plus considérer sa présence comme un phénomène qui aurait resurgi en 2002 et qui resurgira en 2007. On semble oublier à répétition qu’il s’agit d’une composante durable du champ politique français : le poujadisme est mort né en quelques années, alors que le frontisme, lui, est présent de façon récurrente depuis plus de vingt ans et fera ses 15% en 2007, sans surprise aucune.<br /> <br /> Au delà de cette base électorale, il convient de considérer la Lepénisation des esprits et là, pour le coup, avec la plus grande complaisance de la droite gouvernementale : pourquoi légiférer deux fois en une seule mandature sur l’immigration si ce n’est pour présenter le phénomène migratoire au cœur du débat présidentiel de 2007 ? pourquoi pénaliser de plus en plus le droit des migrants et faire des circulaires pour expliquer comment interpeller les étrangers jusque dans leur domicile ou leur lit d’hôpital, si ce n’est pour donner une réponse à cette idée purement Lepéniste selon laquelle : immigration = insécurité ?<br /> <br /> Si la gauche a certainement fait preuve d’insuffisance sur ces questions, la droite, elle, fait preuve d’une véritable capitulation face aux idées véhiculées par le FN, et cela, en dépit du vote du second tour des présidentielles…<br /> <br /> La lutte effective contre le frontisme me semble nécessiter une démarche radicalement inverse : cesser de flatter l’extrême droite et, que cela soit à droite ou à gauche, cesser d’alimenter la xénophobie (notamment en travaillant sur le rapport au monde : frontières, mondialisation, etc…), cesser les tentatives contre productives d’ostracisme (le refus de débattre de Chirac dans l’entre deux tours me semble être une erreur), au contraire, débattre avec le FN et surtout être ferme contre les idées qu’il véhicule : Europe - sécurité – minorités éthniques et religieuses – immigration, nationalité et intégration Républicaine – rôle de la France dans le monde…<br />
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J
Théo, étymolologiquement "homme de foi", a mieux compris le sens de ma critique de l'idolâtrie politique...
O
Je ne partage pas tout-à-fait (c'est un euphémisme !)ton opinion sur la montée du phénomène "Le Pen". Tu pointes du doigt (je résume )le manque de concertation des politiques, une supposée complaisance de la Droite pour les idées de Le Pen sans que cela ait résolu les problèmes de fond et cette manie du recours illusoire à des hommes providentiels. Or, si toutes ces explications peuvent avoir leur part de vrai à la marge, elles passent à mon avis à côté des vraies raisons.<br /> A mon avis, 3 raisons cumulatives expliquent cette évolution :<br /> 1°) L'apparente impuissance des pouvoirs publics (et donc de la classe politique) à endiguer le développement de la précarité, l'absence de croissance forte, le maintien du chômage à un niveau élevé, la montée du sentiment d'insécurité, etc. L'impuissance à réformer efficacement est un symptôme troublant. Les gens se sentent déclassés quand ils ne se sentent pas tout simplement exclus. Que les politiques se révèlent incapables depuis 30 ans de résoudre ces problèmes provoque nécessairement des réactions au fond des urnes.<br /> 2°) L'absence de débat. La cohabitation a plus semé la confusion qu'autre chose. La recherche à tous prix de consensus sur tous les sujets a donné l'impression que le Peuple était exclu des grandes décisions. <br /> 3°) L'instrumentalisation incohérente de Le Pen. Dans un premier temps, la Gauche espérait faire rentrer Le Pen dans le jeu politique pour gêner et embarrasser la Droite (rappelons-nous l'adoption de la proportionnelle pour les élections législatives à seulement quelques mois de l'échéance de 1986 que le P.S. savait perdue d'avance pour la Gauche.)Et puis a succédé une volonté d'exclure Le Pen tournant à l'obsession de telle sorte que le seul enjeu de débat fut de savoir s'il fallait l'exclure du jeu ou non. Et voilà comment on en a fait le réprésentant d'une certaine frange d'exclus !<br /> Malheureusement, les choses ont empiré depuis et je crains bien que les élections de 2007 nous réservent quelques surprises !
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J
Mon propos visait avant tout à repérer historiquement une tendance profonde au recours à des acteurs providentiels et illusoires, pour souligner la nécessité de faire émerger une clarification réciproque des rapports entre élus et citoyens. Il ne s'agissait donc pas d'analyser en profondeur ce que je n'identifie justement pas comme un "phénomène" surprenant.